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La Chine vue par les médias
Le Petit Journal et la Chine
Fondé par Moïse Polydore Millaud, le quotidien parisien Le Petit Journal a été publié en France entre 1863 et 1944. En 1884, le journal ajoutait un supplément hebdomadaire dont les illustrations le rendront très populaire. Le Petit Journal tirait à un million d'exemplaires autour de 1900, faisant usage de titres sensationnalistes et publiant des articles à forte rhétorique patriotique.
Les articles suivants, reproduits sur une période de 15 ans (1891-1905), illustrent la manière dont les événements en Chine étaient rapportés par le journal.
19 décembre 1891
Les massacres en Chine
"Les événements les plus graves se passent en ce moment en Chine; une révolte formidable y a éclaté qui menace non seulement les Européens et en particulier nos missionnaires, mais encore le trône de l'empereur actuel. La chose est très sérieuse comme on voit.
--Il est admis, [...] depuis longtemps certifié que l'Europe périrait par suite d'une invasion des Tartares, Mongols, Chinois de toute origine qui peuplent avec trop de surabondance l'empire du Milieu.
--Alors que nous n'avons pas assez d'enfants, ces gens-là en ont trop [...]
--Quand les sujets du Fils du Ciel ne trouveront plus à manger chez eux, ils faudra qu'ils cherchent ailleurs leur nourriture; l'on affirme qu'alors ils se répandront sur l'Europe comme font les sauterelles en Algérie, dévorant tout, dévastant tout.
--En vain, à ces vrais inventeurs de la poudre, opposera-t-on les engins les plus perfectionnés; on en tuera beaucoup, malgré quoi ils resteront encore cent contre un et nous serons perdus.
--En attendant cette excursion, non dirigée par les agences, ils essaient leurs crocs les uns sur les autres et se massacrent en masse.
Supplices et Incendies
--Ils ont comme de coutume commencé par les chrétiens. Nos dessins représentent d'odieuses scènes dont ils sont les sinistres acteurs. [...] Quel est leur mobile?
--On a peine à croire qu'il s'agisse seulement d'un mouvement politique. Les bandits monstrueux qui égorgent, saignent, brûlent et pillent ne savent probablement même pas le nom de leur empereur.
--C'est probablement le besoin de vivre seulement. C'est une manifestation de la bête humaine.
--On a dit qu'ils voulaient se venger sur tous ceux qui ne sont pas de leur race de ce que les Américains, trop envahis par les travailleurs chinois, ne voulaient plus leur ouvrir leurs territoires. [...]
--Il paraît difficile qu'on laisse s'accomplir, sans les réprimer, de pareils forfaits. C'est donc une nouvelle expédition lointaine qui se prépare, et l'on sait ce qu'elles coûtent.
--Quoiqu'il en soit, en cette circonstance, il n'y aura pas trop lieu de regretter notre argent. Puisqu'il est convenu que nous devons être mangés par les Chinois, autant retarder le moment le plus possible."
18 décembre 1891
5 août 1900
Envahissement de la frontière russe par les Chinois
--"Il est hors de doute que les Chinois ont préparé de longue date les événements sinistres qui se déroulent en ce moment. [...]
--Depuis longtemps, les Chinois s'armaient. Certaines nations, trop commerçantes, leur ont fourni par centaines de mille des fusils Mauser et des canons, dont ils se servent hélas! fort habilement. [...]
--L'Europe a devant elle un peuple formidablement nombreux, très bien armé, et l'expédition sera très dure. Voilà la vérité: il serait niais de la dissimuler.
--Derrière les Boxers indisciplinés, marche l'armée régulière des Célestes, conduite par des chefs résolus.
--Toutes les négociations des mandarins ne sont que des fourberies destinées à gagner du temps. Le moment n'est plus aux paroles, mais aux actes, et aux actes énergiques, car le péril jaune est beaucoup plus menaçant qu'on croit.
--Les Européens n'ont plus contre eux des bandes sans ordre, mais une armée régulière, dont on triomphera certainement, mais non sans grands sacrifices."
5 août 1900
Massacre dans l'église de Moukden en Mandchourie
--"Parmi les crimes dont les Chinois auront à rendre compte, il faut signaler l'horrible massacre accompli à Moukden par les Boxers, aidés de la population et aussi des soldats soi-disant envoyés pour réprimer les désordres.
--La colonie chrétienne s'était réfugiée à la mission française qui fut attaquée par un nombre considérable d'égorgeurs; désespérant de se défendre, elle se réfugia dans l'église qui fut bientôt envahie.
--Sur les marches de l'autel, les Chinois massacrèrent l'évêque, deux prêtres, deux moines, plus de deux cents Chinois chrétiens et mutilèrent horriblement leurs cadavres.
--Puis ils se répandirent dans la ville, brûlant, pillant, tuant.
--Quelques rares malheureux échappèrent à la tuerie et demandèrent protection aux Russes employés au chemin de fer; mais malgré les efforts surhumains de ceux-ci, ils durent prendre la fuite avec eux.
--C'est là un crime abominable dont la France, la Russie et tout le monde civilisé doivent réclamer l'expiation."
5 août 1900
14 octobre 1900
Li Hung Chang escorté par les troupes russes et japonaises
--"La campagne chinoise se poursuit sans événements bien saillants; les nations coalisées ont tout l'air de se laisser duper par ces fourbes extraordinaires que sont les Chinois.
-[...] les soldats aujourd'hui ont à lutter contre un peuple innombrable et dont une importante partie est supérieurement armée, grâce aux soins des Anglais et des Allemands, lesquels, assoiffés de négoce, ont fourni des canons et des fusils perfectionnés maintenant tournés contre eux.
---On infligera des échecs pénibles aux Chinois, mais on n'en finira pas avec eux, aussi les Russes ont-ils émis la proposition la plus sage en conseillant le retrait des troupes moyennant des conditions à débattre. [...]
--Ce qu'il faut, c'est, suivant l'expression des Chinois eux-mêmes, sauver notre face et particulièrement se méfier du fameux Li Hung Chang, diplomate ultra retors qui fit tant de dupes lors de son voyage en Europe et voudrait continuer son oeuvre en Extrême-Orient. C'est lui qui donnait aux représentants de l'Europe le conseil, non suivi heureusement, d'arrêter les débarquements de troupes sous prétexte que cela entraverait les négociations.
--Lorsque tout récemment il a éprouvé le besoin d'aller à Pékin pour traiter de la paix, on lui a fourni, sous couleur de l'honorer, d'assurer sa sécurité, mais surtout pour le surveiller, une solide escorte de troupes russes et japonaises."
14 octobre 1900
6 avril 1902
En Chine
La France et la Russie : Pas si vite! Nous sommes là !
--"Depuis longtemps, le Japon songe à dominer exclusivement la Chine.
--Lorsque, doué des remarquables ressources d'intelligence et d'activité dont il dispose, il aurait la direction absolue des millions d'hommes qui peuplent le Céleste Empire, alors réellement le péril jaune existerait.
--Trahissant une fois de plus la cause européenne, l'Angleterre a formé alliance avec le Japon, elle a cru se montrer très habile; les esprits avisés estiment qu'elle a été "roulée" par les malins petits Japonais.
--Les Japonais ont tout intérêt à une alliance européenne, ne fût-ce que pour en obtenir l'argent qui leur manque. Quant aux Anglais, s'ils ont pu espérer, grâce à leurs nouveaux alliés, obtenir une grosse part du gâteau chinois, ils doivent être revenus de leur erreur, depuis qu'ils ont lu la déclaration franco-russe qui peut se traduire par ces mots :
--- Pas si vite! Nous sommes là !"
6 avril 1902
31 juillet 1904
En Chine
Sanglante querelle entre soldats français et japonais
-"A la suite de la dernière intervention des puissances en Chine, les contingents militaires appartenant aux diverses armées qui prirent part au châtiment des Boxers furent laissés dans le pays, afin de veiller à la garde des légations et au maintien de l'ordre.
--C'est entre deux de ces postes, l'un français, l'autre japonais, qu'éclata récemment la querelle dont notre gravure de première page reproduit les sanglantes péripéties. [...]
--Les événements qui, depuis six mois, se déroulent en Mandchourie et en Corée n'ont pas manqué d'exacerber l'arrogance des petits Nippons et de les rendre insupportables à leurs voisins.
--Déjà, entre eux et les Français, des altercations particulières s'étaient produites, vite réprimées par les officiers.
--Cette fois, à la suite de trop abondantes libations, une rixe a éclaté qui n'a pas tardé à dégénérer en une véritable bataille. De part et d'autre on a mis la baïonnette au clair et, quand la police et la garde ont pu séparer les combattants, dix morts (sept Japonais et trois Français) jonchaient le sol.
--Les officiers français et japonais ont pris des mesures sévères pour empêcher dorénavant le retour de pareils conflits."
31 juillet 1904
23 avril 1905
Cruelles représailles des Japonais en Mandchourie: Exécution de fonctionnaires chinois accusés de sympathie pour les Russes
--"Depuis le début de la guerre entre la Russie et le Japon, la population de la Mandchourie est livrée à toutes les incertitudes et ne sait de quel côté tourner ses voeux et ses espoirs.[...]
--La confiance que quelques uns des fonctionnaires de Liao-Yang avaient ouvertement témoignée aux Russes leur fut d'ailleurs fatale. Les Japonais, qui avaient dans la ville des espions merveilleusement renseignés, s'emparèrent de ces mandarins russophiles et condamnèrent à mort ces malheureux dont la faute avait été surtout de subir les volontés du maître du moment.[...]
--Les prisonniers, revêtus d'une simple kéaou de couleur havane, avaient les mains liées derrière le dos. Ils étaient attachés deux par deux, au moyen de leur natte; leurs pieds portaient de solides entraves qui ne leur permettaient d'avancer qu'à petits pas. [...]
--Selon la coutume de la race jaune, on avait creusé, à proximité du poteau fatal, six fosses de cinq pieds de profondeur. Armé d'un coupe-coupe dont le pommeau est recouvert d'une corde tressée, le bourreau a pris livraison de chacun des patients.
--Tour à tour, les aides, s'emparant de l'un des condamnés, le forçaient à s'agenouiller devant le poteau - un morceau de bambou fiché en terre.
--Un large moulinet du bourreau, un coup mat sur la nuque, une gerbe de sang, un corps s'affaissant sur le sol et justice était faite.
--L'exécution terminée, les corps furent ensevelis dans les fosses, la tête exsangue placée sur la poitrine, les bras relevés sur le cou pour cacher la section du coupe-coupe. [...]
--Tel fut le cérémonial de cette sextuple exécution, qui a dû produire une profonde impression sur les populations chinoises fixées en Mandchourie.
--Les Japonais n'hésitent pas, on le voit, à sévir avec une rigueur impitoyable contre leurs frères de race jaune qu'ils soupçonnent d'être de connivence avec l'ennemi de leur pays, bien qu'ils se présentent devant eux comme des libérateurs.
--Ces cruautés n'empêchent pas les Mandchous d'être, en général, japonophiles. Oublieux des bienfaits sans nombre dont l'organisation russe a comblé leur pays, ils appellent de tous leurs voeux le conquérant jaune, parce qu'il a avec eux des affinités de race et de moeurs.
--Et ce faisant, les Chinois oublient de mettre en pratique l'un des plus judicieux de leurs axiomes populaires :
--"De bons voisins sont préférables à des parents éloignés."
23 avril 1905
22 juillet 1900
Assassinat du baron von Ketteler, ministre d'Allemagne
26 août 1900
Vive l'Armée!!
Départ des troupes de Marseille pour la Chine
9 septembre 1900
Les légations délivrées
20 janvier 1901
Exécution
© Denis C. Meyer-2009